mercredi 25 novembre 2020

HOMELIE Solennité Christ Roi de l’univers Dimanche 22 novembre 2020

 

La solennité Christ Roi de l’univers, quels enseignements tirés ? Les richesses des textes de ce jour rendent difficile la sélection du thème à aborder. Tout de même faisons un choix.

Remontons à l’Ancien Testament pour nous recentrer sur les fondements de cette fête et tirer des leçons. C’est dans la théologie du peuple d’Israël sur la royauté que nous comprenons bien cette solennité.

En effet, il faut noter qu’à l’origine, Israël n’avait pas de rois. Après Moïse, ce fut les Juges (Samson, Déborah…), des leaders charismatiques, qui ont guidé le peuple pour se stabiliser avec les rois plus tard. On se rappelle de l’épisode de 1 S 8, 1ss où malgré les objections du prophète Samuel, le peuple tenait à avoir un roi. C’est ainsi que depuis Saül, Israël va vivre sous le régime monarchique.

A travers l’histoire, la royauté va revêtir une profondeur théologique. Dans ses contacts avec les autres peuples, Israël va subir des oppressions. Qui pourrait oublier cet exil qu’a connu Israël en 587 av JC à Babylone ? Dans cette lutte contre les invasions, une grande théologie va naître pour soutenir la foi du peuple hébreu. Pour Israël, la victoire d’un roi dit la puissance de son Dieu. Dans cette guerre que les peuples mènent les uns contre les autres, se déroule un autre combat plus important : la lutte des dieux (théogonie). C’est le dieu le plus fort qui remporte la victoire avec son roi et soumet les autres peuples. Israël ne pouvait donc pas comprendre qu’un dieu soit plus fort que YHWH Sabaoth (l’Eternel des armées) puisqu’ils ont été exilés. C’est comme la défaite de YHWH.

C’est dans cette lutte de règne que les écrivains sacrés vont faire comprendre que c’est YHWH qui règnera à la fin. Le peuple doit garder sa foi car c’est Dieu qui règnera sur tout l’univers. La victoire des autres rois n’est qu’apparence. C’est cette théologie qui sous-tend les écrits historiques comme le livre de Judith, d’Esther et elle est plus abondante dans le livre de Daniel. L’épisode de « Mene Tequel Oupharsine » en Dn 5, on s’en souvient. L’exemple le plus saisissant se trouve en Dn 2 et même 4 où Daniel va interpréter les songes du roi Nabuchodonosor. On voit bien dans ces extraits la succession des royaumes avec leur apogée et leur déclin. Daniel montre que la fin du règne des Babyloniens a sonné. C’est Dieu qui en a décidé car il va établir son règne éternel : « Au temps de ces rois, le Dieu du Ciel dressera un royaume qui jamais ne sera détruit, et ce royaume ne passera pas un autre peuple » Dn 2, 44.

Le thème de fond développé dans ces écrits est de savoir que malgré les tribulations, YHWH règne et règnera. Le Psaume 2 résume bien cette théologie :

« Pourquoi ce tumulte des nations ;

ce vain murmure des peuples ?

Les rois de la terre se dressent,

les grands se liguent entre eux

contre le Seigneur et son messie » Ps 2, 1-2.

La partie intéressante se trouve à la suite de ce verset 2 du psaume :

« Celui qui règne dans les cieux s’en amuse,

le Seigneur les tourne en dérision ;

puis il leur parle avec fureur

et sa colère les épouvante :

« Moi, j’ai sacré mon roi

sur Sion, ma sainte montagne. » » Ps 2, 4-6.

Il est clair qu’il faut comprendre que les autres rois s’agitent pour rien. Leur règne est éphémère. Le véritable roi est déjà consacré.

Aujourd’hui 22 novembre 2020, nous vivrons des élections couplées, présidentielle et législative. Chacun se demande qui succèdera au régime de Roch ? Certains ont déjà fait 27 ans et ils sont partis. Il y en a qui ont fait 5 ans et tentent de convaincre par des « Hakuna Matata » pour rester. Il y a d’autres qui promettent de creuser des tunnels pour noyer les autres et prendre le pouvoir. L’éternelle question des règnes et de leurs successions.

Les auteurs sacrés ont déjà donné une réponse à cette inquiétude : c’est Dieu qui règnera. L’Eglise ne peut que s’accrocher à cette foi que c’est Dieu qui règnera sur l’univers à la fin des temps. La traduction de cet acte de foi est célébrée dans la liturgie de la solennité du Christ Roi de l’univers. Que faut-il comprendre de la victoire de Dieu sur les rois de la terre qui se rapporte à Jésus. Les textes liturgiques de ce jour sont très éclairants.

Avec l’Evangile, nous avons des références qui nous ramènent à la figure de Jésus. Comme d’habitude, Jésus ne révèle pas directement son identité. De façon détournée, il affirme son image de roi. Il dit ceci : ‘Otan de elqh o uioV tou anqrwpou en th doxh autou kai panteV oi anggeloi metautou, tote kaqisei epi qronou doxhV autou (lorsqu’apparaitra le Fils de l’homme dans la gloire à lui et de tout coté les anges avec lui, à l’instant même il siègera sur le trône de gloire à lui) Mt 25, 31. Le pronom autou se rapporte à qronou et s’accorde avec le o uioV tou anqrwpou. Par conséquent, cet accord montre bien que le trône appartient au fils de l’homme qui n’est autre que le Christ lui-même. Et si donc le trône appartient au Christ, il est roi puisqu’il n’y a que le basileuV (roi) qui siège sur le trône.

Les versets suivants (Mt 25, 32-33) creusent l’ambiguïté en décrivant les actions de l’homme sur le trône : compter les moutons et les boucs. Ce qui se compare au travail d’un berger. On voit mal un berger sur un trône. Mais le Christ en employant cette figure fait allusion au texte du prophète Ezéchiel entendu dans la première lecture. « Ainsi parle Seigneur, voici que je vais juger entre brebis et brebis, entre les béliers et les boucs » Ez 34, 17. Avec cet extrait du livre d’Ezéchiel, on comprend que le Christ se définit comme celui qui porte à son accomplissement cette prophétie.

Replongeons-nous dans le contexte historique de cet extrait pour mieux nous imprégner de l’idée du Christ. En effet, Samuel avait prévenu le peuple des dangers qu’il y avait à élire un roi (cf. 1 S8, 11-20). Cela n’a pas manqué car plusieurs rois ont failli à leur mission. Dieu par la voix du prophète Ezéchiel va annoncer que c’est lui-même qui règnera sur son peuple. C’est lui qui sera le véritable roi : « Ainsi parle le Seigneur Dieu : voici que moi-même, je m’occuperai de mes brebis » Ez 34, 11. Jésus en évoquant cette image montre que c’est lui qui est ce roi qui vient régner en vrai pasteur sur son peuple.

La figure du berger qui sépare les brebis des boucs renvoie aussi à David, ce berger devenu roi. La figure de David comme roi en Israël est très chargée d’une importance indescriptible pour la foi d’Israël. L’évocation de la figure du berger n’est donc pas anodine et le Christ marque par là sa royauté, lui qui est un descendant de David. Il est ce vrai roi berger qui jugera avec justice.

Saint Paul dans la deuxième lecture nous fera découvrir en profondeur l’étendue du règne du Christ. Divinement inspiré, il nous donne une clé de lecture et une merveilleuse interprétation de la mort résurrection du Christ. Pour lui le Christ est mort et ressuscité pour devenir le Seigneur des vivants et des morts : « le Christ est ressuscité d’entre les morts, lui premier ressuscité parmi ceux qui se sont endormis » (Nuni de CristoV eghgertai ek nekrwn aparch twn kekoimhmenwn) 1 Co 15, 20. Le terme arch contenu dans le aparch montre que le Christ devient par là le commencement, la genèse, le fondement de la résurrection. Il ne peut avoir de résurrection en dehors de lui. C’est le Christ qui détient le pouvoir sur le monde de tous ceux qui se sont endormis.

Saint Paul poursuit sa réflexion en ces termes : « Alors, tout sera achevé, quand le Christ remettra le pouvoir royal à Dieu son Père, après avoir anéanti, parmi les êtres célestes, toute Principauté, toute Souveraineté et Puissance. Car c’est lui qui doit régner jusqu’au jour où Dieu aura mis sous ses pieds tous ses ennemis. » 1 Co 15, 24-25. Il montre ainsi que le pouvoir du Christ s’étend jusqu’au monde invisible. On devrait donc dire que nous fêtons la solennité du Christ roi de l’univers visible et invisible.

Quelles leçons donc tirer de cette fête du Christ Roi de l’univers ?

1. Malgré la présence des forces du Mal, malgré la victoire apparente de ceux qui font le mal, malgré les vents contraires, gardons la foi. C’est Dieu qui est le Maitre du monde avec son Christ. Nous sommes ballotés, terrorisés aujourd’hui, mais notre espérance est grande. Il vrai que ce tumulte et ce murmure de ce monde des ténèbres nous inquiètent. Mais celui qui règne dans les cieux s’en amuse, car son règne est déjà établi.

2. Tout passe, seul Dieu règnera jusqu’à la fin des temps. Nous nous sommes engagés dans des partis politiques durant la campagne électorale pour la victoire au soir du 22 novembre. Mais rien de tout cela ne vaut que nous sacrifiions nos vies. Il n’y a que pour le règne du Christ qui vaille la peine que nous donnions nos vies, car à lui appartient la victoire finale.

Prêtres, séminaristes, laïcs, nous sommes engagés dans le parti du Christ qui remportera la victoire sur tout. Pour rien au monde, ne désertons pas, car Saint Paul nous dit : « C’est dans le Christ que tous recevront la vie, mais chacun à son rang : en premier le Christ, et ensuite […] ceux qui lui appartiennent » 1 Co 15, 22-23.

3. Comment être membre de ce royaume, comment y accéder ? La réponse est toute simple. Le Christ nous l’a dit clairement : « ’Amhn legw umin : (Amen je dis à vous) ef oson epoihsate eni toutwn adelfwn mou twn elacistwn, emoi epoihsate » (autant que vous avez fait à ces frères de moi les moindres, à moi vous avez fait) Mt 25, 40. Quand une chose requiert toute l’attention du monde, le Christ commence par « amen ». Le « amen » a une dimension théologique très profonde. Le Christ veut affirmer que ce qu’il recommande est très fondamental. C’est dans la vie quotidienne avec ceux qui nous entourent que nous construisons le royaume de Dieu. Savoir venir en aide à mon frère dans le besoin fait de moi un membre du royaume. Il ne faut pas s’attendre à voir des cas extrêmes de nudité ou d’affamés pour agir. Si je laisse le gros morceau de viande à mon voisin dans le réfectoire, si je partage un morceau de tissu avec celui qui n’a que peu de tenues, cela me sera compté dans le ciel. L’emblème du royaume se trouve sur le front de l’autre en face de moi, le frère d’à côté qui est le Christ. Le chemin est tout tracé. Si je sais prendre soin de mon frère qui a ce visage du Christ affamé, assoiffé, étranger, nu, emprisonné, malade, je peux dire :

Que ton règne vienne !

Marana tha !

Abbé Athanase BERE

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