jeudi 20 mai 2021

Septième dimanche de Pâque année B

 

Frères et sœurs bien aimés de Dieu, nous avons fêté jeudi dernier l'Ascension de notre Seigneur Jésus Christ. Il a promis à ses disciples l’Esprit, le paraclet, celui qui viendra rendre témoignage à la vérité tout entière. Nous sommes tendus vers cette promesse. Après l’Ascension, les apôtres sont introduits désormais dans le temps de la présence dans l’absence ; cette expérience n’est vécue que par ceux qui aiment. Car l’amour rend présent l’être aimé, même s’il est absent physiquement. Le bien aimé, même parti, n’est jamais totalement absent de notre vie.  Comme on le dit bien souvent, la seule véritable absence, c’est l’indifférence. Ceux qui nous sont chers ne sont jamais totalement absents pour nous. Les grands absents, ce sont les autres, ceux qui nous sont indifférents.

Le temps de la présence dans l’absence est le temps des épreuves ; des épreuves qui doivent vérifier la qualité de notre attachement, de notre fidélité pour le Seigneur, de notre capacité à nous donner entièrement au Seigneur. Le Seigneur, lui, ne peut pas nous abandonner ; n’a-t-il pas dit : Je serai avec vous jusqu'à la fin des temps ! Ou encore je ne vous laisserai pas orphelin. Tout repose ici sur la foi, c’est la foi qui permet aux disciples de prendre conscience que Jésus vit désormais à l’intérieur d’eux-mêmes. Convaincu de cette présence certaine, bien qu’invisible, convaincu que le Christ ne peut pas manquer à sa parole, à sa promesse, ils peuvent s’organiser pour la mission.

La prise de conscience de cette présence intérieure est traduite par la prière avant le choix du remplaçant de Judas : « Seigneur toi qui connais le cœur de tous les hommes, montre-nous lequel tu as pris pour prendre la place dans le ministère des apôtres ». Le Christ ne va pas indexer Matthias ; seulement la prise de conscience de sa présence intérieure, va dynamiser les capacités humaines, de réflexions, de discernement, de décision des disciples. Ces capacités humaines seront animées par un seul objectif : faire la volonté du Christ. Le premier but de la prière des disciples n’est donc pas destiné à obtenir une intervention miraculeuse pour choisir le remplaçant de Judas. Le but essentiel de cette prière, c’est de pouvoir se déposséder de tout autre désir que du désir de faire la volonté de Dieu et non des hommes, à travers ce choix. Fort de cela, ils pourront lire la volonté de Dieu dans les décisions humaines. Cela suppose, il faut le souligner, que l’exercice de nos capacités humaines de discernement, de décision soient toujours branchées sur le dépouillement de soi, sur le renoncement à soi, sur la fidélité à laisser vivre en nous le désir même de Dieu. Mais si nos capacités humaines de discernement sont dirigées par des calculs, par des intérêts louches, ou par cet esprit de cooptation, de népotisme et de complicité qui menace toute institution, il va sans dire qu’on ne pourra pas lire la volonté de Dieu dans nos choix humains. On pourra crier partout que l’Esprit Saint et nous, avons décidé, mais en réalité, il n’en est rien. Il est vrai que le Christ a dit que tout ce que vous aurez lié sur la terre sera lié au ciel et tout ce que vous aurez délié sur la terre sera délié au ciel, mais attention, cela suppose une fidélité à la volonté du Seigneur. Si on lie ou on délie sur la terre par calcul égoïste, par intérêt fourbe, ne soyons pas étonnés qu’il délie au ciel ce que nous avons lié et lié ce que nous avons délié. Pour que nos désirs disent le désir de Dieu, pour que nos choix soient le choix de Dieu, il nous faut une grande fidélité à Dieu.  

Bien évidemment, cela n’est pas sans difficulté. Et Jésus en est conscient, d’où cette profonde prière pour demander les grâces essentielles au témoignage de sa parole. « Garde mes disciples dans la fidélité à ton nom que tu m’as donné… » La fidélité est demandée comme une grâce car elle est bien fragile. L’homme fait l’expérience amère de son infidélité : infidélité à ses engagements vis-à-vis de soi-même, des autres et vis-à-vis de Dieu. Tout homme fait sans doute cette expérience, à moins d’avoir reçu une grâce spéciale ! Peut-être que parmi nous il y a des gens qui ont reçu cette grâce-là ! Attention, ce n’est pas une façon pour moi de justifier nos infidélités ! Bien simplement une description d’une expérience que tout homme peut vivre. Toute la Bible, depuis la Genèse jusqu’à l’Apocalypse est traversée d’expérience d’infidélité de la part du peuple et particulièrement de ceux à qui le Seigneur avait confié une mission ; d’un bout à l’autre, il y a cet appel constant à la fidélité au Seigneur ; fidélité à la foi, fidélité au nom de Dieu.

Jésus, lui, a été fidèle à son Père jusqu’au bout. C’est cette grâce de la fidélité à son Père qu’il demande pour ses disciples. C'est important, car il ne peut y avoir de véritable témoignage de foi que dans la durée, que dans la fidélité à l’enseignement reçu. C’est le message du Christ, et le message du Christ c’est de nous aimer les uns les autres. Et notre amour pour les autres est le signe de notre fidélité au nom de Dieu. Comme nous le rappelle la deuxième lecture, Dieu, personne ne l’a jamais vu. Mais si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous et nous en lui. Être fidèle à quelqu’un, c’est demeurer en lui, et lui en nous.

La fidélité forge l’unité sans laquelle la Bonne Nouvelle ne peut pas porter du fruit. La fidélité aux mêmes valeurs, à la même foi est gage d’une unité véritable. La fidélité tend à l’unité, pousse à l’unité, conduit à l’unité. Un couple ne peut pas par exemple être uni dans l’infidélité, au contraire, l’infidélité est bien souvent cause de désunion.  Une communauté ne peut pas être unie dans l’infidélité aux valeurs qui sous-tendent leur vivre ensemble.  

« Garde mes disciples dans la fidélité à ton nom que tu m’as donné en partage pour qu’ils soient un, comme nous-même ». La fidélité est en vue de l’unité. Le message de l'évangile ne peut être transmis que par des croyants unis par les liens de l'amour, unis par la même foi, la même charité et par la même espérance. Si la fidélité est en vue de l’unité, l’unité est en vue du témoignage. Ce qui veut dire que l’unité n’est pas un but en soi ! L’unité est en vue du témoignage, nous n’avons pas à la rechercher pour elle-même ; l’objectif, ce n’est pas l’unité d’abord, l’objectif est que par cette unité, le monde croit. Nos désunions, nos divisions, nos querelles, nos refus de communion détruisent nos capacités missionnaires et pire, elles sont un contre-témoignage certain, scandaleux.

Le message de l'évangile ne peut être transmis que par des croyants unis par les liens de l'amour. Comment annoncer une parole d’amour alors que ceux-là même qui l’annoncent se comportent en chiens et chats. Comment être témoin du Dieu d’amour dans le monde si tous ceux qui l’invoquent ne s’aiment pas entre eux, au contraire couvent une haine viscérale ? Une haine qui sape l’œuvre missionnaire. L’unité n’est pas cessation de la diversité, ce n’est pas absence de diversité. La diversité est signe de richesse parce que créatrice, alors que nos différents, nos querelles sont un signe de pauvreté à la fois spirituelle et humaine. La haine appauvrit l’humanité, elle la détruit. C’est ainsi que le pape François dans sa lettre encyclique sur la fraternité et l’amitié sociale affirme au paragraphe 261, que « toute guerre laisse le monde pire que dans l’état où elle l’a trouvé. La guerre est toujours un échec de la politique et de l’humanité, une capitulation honteuse, une déroute devant les forces du mal ». 

L’unité ne se construit pas sur le mensonge ! Le mensonge est un terrain mouvant ; tout ce qu’on y construit s’effondre. L’unité qui est absolument nécessaire dans l’annonce de la Bonne nouvelle se construit dans la vérité : « Consacre-les par la vérité : ta parole est vérité. De même que tu m’as envoyé dans le monde, moi aussi, je les ai envoyés dans le monde. Et pour eux je me consacre moi-même, afin qu’ils soient, eux aussi, consacrés dans la vérité ». La vérité est la parole du Père, c’est-à-dire la révélation de l’événement de salut par et dans Jésus. C’est cette parole qui nous permet de participer à la sainteté de Dieu. Participer à la sainteté de Dieu ne signifie pas abandonner le monde, mais l’habiter pour le transformer, et ainsi aider les hommes à découvrir leur sauveur, Jésus Christ.

Demandons au Seigneur de nous envoyer son Esprit pour que unis les uns aux autres, nous puissions rendre témoignage à la vérité, la Parole de Dieu. 

 

Abbé Théophile GODO

 

 

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